Lors de mes premières
grossesses, j’ai un peu trop fréquentée les forums de grosses. Je plaide
coupable. A croire que nous, femmes enceintes n’avons vraiment rien d’autre à
foutre que de trainer et s’enliser dans des discussions stériles. Sur la toile,
la femme en cloque, voire même désireuse de le devenir appartient à une sorte
de tribu bisounouresque qui a développé sa propre culture avec ses codes et son propre langage. Les titres des post appelant à la discussion se doivent d’être évocateurs mais demeurent un peu opaques pour le lecteur non initié.
- « en essai BB2, qui attends avec moi ? » : traduction : j’essaie de concevoir de mon deuxième enfant, qui n’a rien de mieux à faire que de partager chaque jour avec moi cette attente interminable. En général, la réponse logique à cette philosophique question est apportée par une autre Ginette qui elle-même est en essai BB2…
- « enfin un +++, après 2FSC, DPA pour le 10/10, on fait un club d’octobrette ? » traduction mon test de grossesse a enfin viré positif, c’est une délivrance pour moi après mes deux fausses couches spontanée, la date prévue de mon accouchement est pour le 10/10, je suis tellement trop hyper contente de la mort, venez partager avec moi mon bonheur d’accoucher en Octobre…
Les discussions débutent. En
règle générale, chacune est principalement intéressée par le fait de parler
d’elle-même et de faire partager à l’autre son histoire si exceptionnelle et
trépidante. Le hic, c’est que cela consiste souvent en la description
quotidienne d’une journée banale et ennuyeuse. On y apprend que Ginette 1 est
allée chez le médecin pour l’otite du petit dernier et que Ginette 2 a fait un
gâteau aux poires. Heureusement il arrive de temps à autre un évènement imprévu
qui pimente le scénario ; Ginette 3 a une petite douleur inexplicable dans
le bas du ventre. Ginette 1 et 2 se transforment alors en professeures agrégées
Es Médecine pour élucider ce mystère et sortir Ginette 3 de ce problème. Au fil
des semaines, les discussions débutant par un « moi je » auquel
fait écho un « et ben moi », se poursuivent jusqu’à l’arrivée d’un
clash. On se croirait dans une émission de téléréalité. Malgré la distance,
Ginette 1 et Ginette 3 qui ne se sont pourtant jamais réellement rencontrés parviennent
à se foutre virtuellement sur la gueule : « T kune pov fille, fé toi
soigné ! » « sa métone pa de toi, cet réaction ! » (et oui, déjà en temps normal c'est pas toujours ça mais alors quand Ginette est énervée elle parle encore moins bien la France...) Heureusement
que régulièrement de nouvelles octobrettes-ginettes entrent dans cette
fabuleuse discussion qui se doit de durer au moins jusqu’à ce que chacune ait
pu raconter son accouchement.
Notre société serait-elle dans
une telle pénurie de relations satisfaisantes que nous n’aurions d’autre choix
que de recourir aux inconnus du web pour partager nos joies et nos
angoisses ? Constatation bien trop déprimante pour que je m’abstienne
d’entrer en rébellion contre cette idée. J’ai une mère, des sœurs, des amies,
des collègues : faut que je m’en serve ! Je l’avoue, à 27 ans j’ai pas
mal trainé sur les forums mais 10 ans plus tard, j’ai plus vraiment envie.
Voilà pourquoi je préfère encore me parler à moi-même et partager ce que j’ai
sur le cœur avec des pages blanches à remplir. J’y retournerais un jour, je crois, quand
j’aurais accouché et j’y parlerais des trucs dégelasses de la grossesse !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire